La recherche historique est une discipline en perpétuel état d’avancement. Chaque nouveau document, artéfact ou agencement de connaissances permet de jeter un éclairage différent. Il est loin le temps où l’on disait que l’histoire apprise sur les bancs d’école était en fait, celle des vainqueurs laissant tomber dans l’oubli le sort des vaincus.

Février est le Mois de l’histoire des Noirs et, dans la région, la commémoration prend une signification particulière. En effet, entre 30 000 et peut-être 100 000 esclaves et citoyens libres noirs auraient emprunté le chemin de fer clandestin pour s’installer dans le triangle formé par Windsor, Toronto et Niagara.

Jusqu’en 1865, par vagues successives, ils se sont installés ici et, si après l’abolition de l’esclavage aux États-Unis, plusieurs y sont retournés, un bon nombre ont choisi de poursuivre leur vie au Canada.

La ville de Sandwich de l’époque a été la destination de plusieurs personnes et familles. C’est à cet endroit que l’on a érigé la première église baptiste en 1841 qui devient rapidement le point de chute des voyageurs du chemin de fer clandestin.

À l’époque, la Guerre de 1812 est toujours fraîche à la mémoire des résidents de la région et, sur le site actuel de l’Hôtel de ville, les baraquements militaires (Barracks Square) permettent aux réfugiés de profiter d’un toit temporaire. Une plaque commémorative souligne le fait : en 1859, sur une population totale de 2500 résidents, la population noire est de l’ordre de 700 à 800 personnes.

Deux ans plus tard, le journal Maple Leaf de Sandwich témoigne de l’accélération du mouvement vers le sud de l’Ontario dans son édition du mois d’avril, soit la venue de 500 personnes de race noire en provenance des États-Unis. Le Canada, six ans avant la création de la fédération, était déjà considéré comme « une terre bénie de liberté » notion qui, encore de nos jours, est un élément fondateur de l’imaginaire national.

Depuis quelques années, une attention particulière est portée à ce chapitre de l’histoire de la région, soutenue par les activités entourant le MHN entre autres.

Inévitablement, on a commencé à s’intéresser à un aspect spécifique de cette histoire : les cimetières où sont inhumés les Noirs qui sont demeurés dans la région. Comme un certain nombre des gens sont retournés aux États-Unis et que certains ont migré vers d’autres endroits au Canada, les églises des différentes congrégations ont fermé leurs portes et les cimetières adjacents ont peu à peu disparu sous la végétation et dans la mémoire des gens.

Cependant, à l’initiative de certaines personnes de la région de Harrow, du comté d’Essex et du North American Black Historical Museum à Amherstburg en collaboration avec certaines églises, des recherches ont été mises en route et ont porté leurs fruits. Les vieux cimetières ont été localisés et sont maintenant entretenus ou même reconnus. À ce jour, huit sites ont été identifiés un peu partout dans la région dont Puce, Harrow, Colchester et un autre sur la route Banwell à Tecumseh.

Il en reste généralement peu de vestiges parce que le développement a permis de construire sur ces sites ou parce que personne ne s’en occupait. Ce dernier cimetière a été reconnu par la province de l’Ontario à l’automne 2015. Il s’agissait alors du deuxième site reconnu dans la région, l’autre étant localisé à Puce (reconnu en 2007).

Les historiens ont encore bien du travail devant eux pour circonscrire l’histoire de ces Noirs qui ont choisi l’exil et qui ont décidé de demeure dans la région.

 

 

PHOTO: The Underground Railroad, de Charles T. Webber (1893)