Pedro Da Silva est considéré comme le premier facteur canadien. Ce Portugais est le personnage central du roman Mots et marées, de Calos Taveira, également lusophone. Certaines facettes de la vie du personnage sont connues; lorsqu’il y a des lacunes à combler, l’auteur laisse libre cours à son imagination.
La recherche de Taveira repose sur la lecture de 64 livres, articles et documents d’archives, sans compter la consultation d’une quinzaine de sites Internet. Ce récit étoffé et exhaustif renvoie à 148 notes (j’aurais aimé les voir en bas de page plutôt qu’à la fin du roman); elles portent souvent sur des personnages tels que Charles et Jacques Le Moyne, Mgr de Laval et Mgr de Saint-Vallier, Nicolas Perrot, sainte Kateri Tekakwitha et le marquis de Vaudreuil, pour n’en nommer que quelques-uns.
Pendant 500 pages, le romancier décrit les aventures et mésaventures du premier facteur en Nouvelle-France. Son récit est ponctué de quelques évènements marquants des débuts de l’histoire canadienne : l’arrivée de Frontenac, la guerre avec les Iroquois et les dangers de circuler sur le fleuve Saint-Laurent. Les personnages importants de l’histoire de la Nouvelle-France ne font que périodiquement irruption; le gros de l’histoire se passe autour d’un verre pris par des paysans, des miliciens et des colons agriculteurs.
Carlos Taveira excelle dans l’art de bien décrire les gens. Voici comment il présente savoureusement les femmes des Trois-Rivières : elles étaient « aussi fortes et courageuses que féminines et délicates, empoignant le fusil avec la même détermination que le couteau pour décapiter la volaille. […] les Trifluviennes avaient trois mains : une pour le fusil, l’autre pour la cuisine et la troisième pour les enfants. »
Avant Mots et marées, certains connaissaient peut-être qui était Pedro Da Silva; après Mots et marées, tous savent comment il était. En épilogue, Carlos Taveira précise que la petite esclave noire qui demande de faire suivre un message vers Lisbonne relève purement de la fiction. C’est la façon que l’auteur a choisi d’annoncer « un autre roman sur la fin tragique de celle qu’on rebaptisa Marie-Josèphe-Angélique, la destinatrice du message non livré qui se cache dans la cassette ». À suivre…
Carlos Taveira, Mots et marées, Pedro Da Silva, un Portugais messager du roi en Nouvelle-France, roman, Ottawa, Éditions L’Interligne, coll. Vertiges, 2014, 560 pages, 29,95 $.