Alexia Grousson
Présentée en collaboration avec Art Windsor-Essex, l’exposition Distance, imaginée par Le Labo de Toronto, propose une réflexion visuelle et sensorielle sur les multiples dimensions du paysage. Conçue sous la direction de Marc Audette et Dyana Ouvrard, cette exposition collective réunit les artistes francophones Lise Beaudry, Emilio Portal et Samuel Choisy. Elle est accessible au public jusqu’au 19 octobre.
Le projet a vu le jour il y a un an et demi, lorsque Dyana Ouvrard, directrice générale du Labo, a proposé à Marc Audette de concevoir une exposition autour de sa démarche artistique liée au paysage. Ce dernier explique : « C’est intéressant de réfléchir à ce que représente aujourd’hui un paysage. Dans ce contexte, il dépasse sa définition classique pour devenir un espace de questionnement, à la fois extérieur et intérieur, physique et émotionnel. »
Le mot distance, choisi comme fil conducteur, fait écho aux séparations imposées par la pandémie et à leur impact sur notre perception de l’espace. L’exposition examine comment l’enfermement a transformé notre rapport au monde, modifié nos repères, et suscité un besoin de reconnexion — à la nature, à l’environnement urbain, mais aussi à soi-même.
Chacun des trois artistes abordent la notion de distance selon trois points de vue différents. Lise Beaudry met en lumière des structures discrètes, où de petits détails révèlent la richesse de nos relations avec le monde et notre histoire. Emilio Portal transforme la distance en un espace sonore, créant de l’émerveillement et ouvrant la voie au renouveau. Samuel Choisy, lui, explore la frontière entre présence et absence, entre lumière et ombre, entre intérieur et extérieur, pour questionner notre lien à l’autre et à nous-mêmes, d’une façon très personnelle.
M. Choisy, dont six de ses œuvres sont exposées à la galerie, témoigne : « Deux de mes œuvres ont été conçues avec l’idée de suggérer ce qui se passe en nous lorsque l’on est plongé dans la nature. M’immerger dans la nature, c’est me retrouver au plus profond de moi. Je ressens mon corps et mon esprit différemment, comme plus connecté à moi-même. D’autres de mes œuvres consistent en un lâcher-prise. Travailler avec la nature implique de prendre de la distance avec son égo qui cherche toujours à tout contrôler. C’est mettre des choses en place et laisser la nature faire à son rythme. L’égo reprend le dessus au moment du choix et des modalités de présentation des résultats. »
Samuel Choisy utilise différentes techniques telles que le light painting, où une source lumineuse en mouvement devant une caméra fixe, peint des formes dans l’image. Il y ajoute parfois des effets de symétrie, motif que l’on trouve dans la nature. Il utilise aussi la photographie au sténopé : une lumière passe par un trou d’épingle et l’image inversée vient se projeter sur un écran ou une surface sensible à la lumière.
« La distance évoquée dans chacun de mes travaux est à la fois un écart entre soi et le monde mais c’est surtout l’espace qui sépare l’intention de départ et le résultat final dans le cadre d’une collaboration avec la nature, c’est dans cet espace où la maîtrise est une illusion qu’émerge l’imprévu, la surprise, l’émerveillement », conclut l’artiste.
L’exposition invite ainsi à redécouvrir notre environnement sous un angle renouvelé et à revisiter nos liens avec les autres. « Les paysages sont aussi à l’intérieur de nous. Nous sommes le paysage », affirme Marc Audette, soulignant la dimension introspective du parcours.
Distance interroge notre manière d’habiter le monde après une période marquée par l’isolement, en posant un regard collectif sur ce qui nous sépare… et sur ce qui nous rassemble.
Photo (Crédit Le Labo – Julien Taming) : Des visiteurs lors du vernissage aux cotés de Lise Beaudry (assise) et Emilio Portal (debout)