Richard Caumartin

Paul Chauvin, ancien président de l’ACFO de Windsor-Essex et Chatham-Kent, ancien directeur de plusieurs écoles de langue française dans le moyen-nord et le sud-ouest de la province, est décédé tragiquement, peu avant midi, le 25 avril, dans une collision mortelle sur le chemin Tecumseh Est à Windsor. Il avait 91 ans.

Son épouse Lorraine a aussi été grièvement blessée dans cet accident de voiture et a dû subir plusieurs transfusions de sang et une procédure chirurgicale pour réparer une artère. Au moment d’aller sous presse, elle avait plusieurs côtes de fracturées, des contusions et reposait toujours aux soins intensifs.

Autre triste nouvelle pour la famille Chauvin de Pointe-aux-Roches, le frère de Paul, Robert Chauvin, et son épouse Hélène étaient aussi dans le même véhicule et cette dernière a perdu la vie à l’âge de 85 ans. Robert a également été blessé mais les médecins ne craignaient pas pour sa vie. Il a d’ailleurs été transféré dans une chambre pour récupérer quelques jours après le drame.

Les deux décès sont de lourdes pertes pour la famille Chauvin, mais également pour la communauté francophone de Pointe-aux-Roches et du Sud-Ouest. Hélène Chauvin a été le bras droit d’Ursule Leboeuf pour l’organisation du Festival de la moisson pendant de nombreuses années. Son mari Robert et elle étaient aussi des agriculteurs respectés dans la région. Ils avaient été d’ailleurs été honorés en 2014, remportant le prix Pierre-Bercier représentant l’excellence en agriculture de l’Union des cultivateurs franco-ontariens.

Et que dire de Paul Chauvin, un pilier de la francophonie ontarienne et grand défenseur des droits des francophones partout où il est passé. Premier directeur de l’École secondaire catholique l’Essor, il a mené le projet des Fêtes du tricentenaire de la fondation de Détroit en 2001, mis sur pied la Chorale du tricentenaire, siégé à de nombreux conseils d’administration dont ceux de l’ACFO WECK, Place Concorde, le Club Richelieu de Pointe-aux-Roches, la Caisse populaire et le club de l’âge d’or Le Foyer de Pointe-aux-Roches.

Une communauté sous le choc

La francophonie du Sud-Ouest est sous le choc car, malgré son âge avancé, M. Chauvin était toujours actif et présent dans la communauté. « C’est une bien triste nouvelle. Quel grand homme! Un pan complet de l’histoire canadienne-française et franco-ontarienne s’envole d’un seul coup! », a indiqué par courriel Jean Sauvé, enseignant à la retraite de l’école l’Essor et grand ami des Chauvin depuis au moins 30 ans et qui habite aujourd’hui à Charlesbourg au Québec.

« On se rencontrait deux ou trois fois par semaine depuis la pandémie, raconte Roger St-Pierre de Pointe-aux-Roches, un grand ami de Paul Chauvin. Depuis l’ouverture de l’Essor en 1978, on passait beaucoup de temps ensemble. Il était directeur et moi enseignant. Paul a toujours été très bon pour me trouver de l’argent pour les équipes sportives à l’Essor, il était respecté des enseignants en général. Il a ouvert une école à Noëlville, puis l’école secondaire Macdonald-Cartier à Sudbury avant d’ouvrir l’Essor. Tout un accomplissement en soi!

« Nous nous souviendrons tous de son fort caractère, son dévouement pour la communauté à maintenir sa langue, sa culture et sa foi. Il était un fervent défenseur de la francophonie et il ne s’en cachait nullement, au contraire. Sa présence va nous manquer énormément. Il était fidèle aux activités de club de l’âge d’or, avec son caractère unique et son sens de l’humour. Il taquinait souvent les membres du club. »

Un retour difficile

« Mais si son épouse Lorraine remonte la pente et retourne à la maison, elle vivra des moments très difficiles. Elle aura de grosses décisions à prendre car sa vie vient de prendre un tournant bien malheureux. Paul et Lorraine étaient tellement fiers d’être toujours ensemble et de vivre encore dans leur maison sans l’aide de personne à 91 ans. Nous serons là pour l’appuyer », promet M. St-Pierre.

À Windsor, celui qui l’a côtoyé durant de nombreuses années à titre de directeur général de Place Concorde et du Centre communautaire francophone de Windsor-Essex-Kent, Didier Marotte, souligne qu’il a perdu un mentor.

« C’est triste de perdre un pilier de la francophonie qui a fait autant pour les francophones d’ici. Paul était un mentor vis-à-vis mon réveil à la communauté franco-ontarienne. Étant d’origine belge, ce n’est qu’à mon arrivée à Place Concorde que Paul m’a éduqué sur la richesse culturelle des francophones de la région. Nous avons collaboré beaucoup sur les Fêtes du tricentenaire, sur le sentier historique derrière Place Concorde.

« Il était un conteur très doué et j’aimais bien l’écouter. J’avais énormément de respect pour lui. Tout ce que j’espère est que la communauté se souvienne des contributions de M. Chauvin au fil des décennies. Nous avons des projets à venir dans la communauté dont le monument des noms des pionniers qui faisait partie des projets du tricentenaire sur lesquels Paul a tellement travaillé. Lorsque le design et la relocalisation du monument seront terminés, nous trouverons un moyen pour lui rendre hommage et souligner sa contribution », assure M. Marotte.  

Un homme passionné par sa culture

Originaire de Pointe-aux-Roches, sur les rives du lac Sainte-Claire, Paul Chauvin s’est investi exceptionnellement auprès de la culture francophone depuis toujours. Il a quitté la ferme familiale pour aller étudier à Sudbury, auprès des Jésuites.

Lors d’une entrevue accordée au journal Le Rempart il y a plusieurs années, il disait : « Mes sentiments face à notre langue et notre communauté viennent de mon père et des Jésuites. Je leur dois tout. C’est grâce à ces six années passées là-bas que j’ai appris à être fort et à me battre pour ce dont je suis le plus fier : ma langue et ma culture. »

Cet investissement de soi pour les francophones ne date pas d’hier. M. Chauvin a eu l’exemple de son père qui a été président de la Caisse populaire de Pointe-aux-Roches à ses débuts et de plusieurs autres mouvements.

« Nous avons toujours eu besoin de lutter pour notre langue et notre culture. C’était tout à fait naturel de défendre nos droits, de s’impliquer. Je ne pense pas qu’on faisait un choix, c’était automatique », commentait à l’époque Paul Chauvin.

Après ses études à l’Université d’Ottawa, l’homme se fait confier le mandat d’ouvrir, en 1966, une école secondaire à Noëlville, dans le Moyen-Nord ontarien. Trois ans plus tard, il ouvre l’école secondaire Macdonald-Cartier à Sudbury. « On m’a demandé d’avoir au moins 380 élèves, j’en ai trouvé 1600! », se souvenait le rassembleur qui faisait du porte-à-porte pour recruter des élèves.

Après 23 ans dans le Moyen-nord ontarien, il est de retour sur les terres du Sud-Ouest cultivées par ses ancêtres depuis 300 ans. Il s’implique alors dans le dossier de l’école l’Essor pendant 10 ans, avant de devenir le premier directeur de la première école secondaire française du comté d’Essex en 1979. « Ces trois écoles sont ma plus grande satisfaction », confiait-il.

M. Chauvin a été cofondateur du défunt club Richelieu Les Campagnards duquel il a été membre pendant 21 ans, membre du comité fondateur de la Fédération des étudiants du secondaire franco-ontarien (maintenant connue sous le nom de Fédération de la jeunesse franco-ontarienne).

Parmi la longue liste de ses réalisations, Paul Chauvin parlait avec enthousiasme et fierté des Fêtes du tricentenaire. L’année de célébrations avait marqué les 300 ans de la présence française, avec l’arrivée d’Antoine de Lamothe Cadillac, fondateur du grand Détroit en 1701.

Tout a commencé avec l’idée de reconstruire le voilier de Cadillac, Le Griffon. Finalement, c’est devenu une grande fête culturelle. « Je voulais de la permanence. Je ne voulais pas une fête de village qu’on oublie dans 10 jours », concluait M. Chauvin.  

Paul Chauvin laisse dans le deuil son épouse Lorraine, ses deux fils Paul junior et Jean, ainsi que sa fille Nadine. Ses enfants sont d’ailleurs au chevet de leur mère à l’hôpital. « Maman montre de l’amélioration mais il faudra compter au moins un mois avant qu’elle puisse sortir de l’hôpital. Elle est réveillée et consciente, confirme Paul junior. Robert est toujours aux soins intensifs et a été transféré à une aile de récupération. Notre père sera incinéré et nous attendrons que notre mère récupère pleinement avant d’organiser une cérémonie funéraire pour qu’elle puisse y assister. »

Au moment d’aller sous presse, les détails sur les arrangements funéraires d’Hélène Chauvin, l’épouse de Robert, n’étaient toujours pas connus. Nos plus sincères condoléances à la famille éprouvée.

Photos (archives Le Rempart) : Paul Chauvin, pilier de la francophonie du Sud-Ouest, est décédé de façon tragique dans un accident de la route le 25 avril. Sa belle-sœur, Hélène Chauvin, a également perdu la vie dans cet accident.