La ministre Mélanie Joly a déposé, le mardi 15 juin, son projet de loi tant attendu pour moderniser la Loi sur les langues officielles. Il arrive environ quatre mois après le dépôt de son document de travail à ce sujet et quelques jours avant la fin des travaux parlementaires.

Tel que prévu, le projet de loi vise à garantir le droit d’être servi et de travailler en français dans les entreprises sous juridiction fédérale au Québec et dans des régions à forte prédominance francophone qui n’ont pas encore été déterminées. Il vient également accorder des pouvoirs accrus au commissaire des langues officielles pour sévir contre les entreprises ou ministères récalcitrants.

Avec cette réforme, le gouvernement fédéral vise à reconnaître la diversité des deux langues officielles au pays. Ainsi, il vient confirmer que le français est la langue officielle du Québec et que le Nouveau-Brunswick est officiellement bilingue. Il vient également reconnaître le droit de chacun, selon la constitution, d’employer le français ou l’anglais dans les législatures et les tribunaux du Québec et du Manitoba.

Parallèlement, il vient affirmer l’importance du maintien et de la valorisation des langues autochtones au pays.

Différents ministères fédéraux sont mis à contribution dans ce projet de loi. Ainsi, le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration devra adopter une politique en matière d’immigration francophone afin de favoriser l’épanouissement des minorités francophones au pays. Le ministère des Affaires étrangères, lui, devra s’engager à promouvoir le français dans le cadre des relations diplomatiques du Canada.

Le Conseil du Trésor sera quant à lui tenu de surveiller et de vérifier l’application des principes et règlements en matière de langues officielles au sein des institutions fédérales.

Le gouvernement fédéral viendra finalement enchâsser le bilinguisme des juges de la Cour suprême, si le projet de loi est adopté.

Le dépôt de ce projet de loi, attendu depuis des années, arrive au moment où les députés s’apprêtent à plier bagage pour rentrer dans leurs circonscriptions respectives pour l’été. Advenant une élection, le projet de loi mourrait au feuilleton et un autre gouvernement aurait à redéposer une modernisation de la Loi sur les langues officielles.

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, y est allé d’une prédiction. « Si jamais il y avait un gouvernement libéral majoritaire après la prochaine élection (…), il redéposerait la loi, il n’aurait pas le choix. (…) Un vieux dix bien repassé que ce ne sera pas la même loi. Ils vont changer des affaires dedans et on va soudainement la trouver moins le fun », a-t-il dit.

La ministre Joly a répliqué qu’elle « s’engage complètement » à présenter le même projet de loi si ce scénario se concrétisait.

Bras de fer sur la loi 101?

Des détails restent à être fignolés, par règlement, concernant l’application du projet de loi fédéral sur la langue de travail dans les entreprises sous juridiction fédérale. Déjà, la ministre Joly prévoit que sa réforme va s’aligner sur le projet de loi 96 du Québec qui étend la Charte de la langue française aux entreprises de 25 employés et plus. Ailleurs au Canada, on vise celles de 50 employés et plus.

Selon le plan d’Ottawa, les entreprises sous juridiction fédérale au Québec auraient trois ans pour choisir si elles souhaitent souscrire à la Charte de la langue française de Québec ou au régime fédéral. Ce délai serait de cinq ans pour les entreprises dans les régions à forte prédominance francophone hors Québec qui, elles, n’auront pas le choix de souscrire au régime fédéral.

La réaction n’a pas tardé du côté du ministre responsable de la langue française du Québec, présent à Montréal pour une annonce.

« Il y a une chose qui est sûre, c’est que les modalités associées au projet de loi québécois seront celles qui vont s’appliquer sur le territoire québécois et c’est la responsabilité du gouvernement du Québec de protéger le français. On est ouverts à travailler en collaboration avec le fédéral, mais en s’assurant que c’est la loi québécoise qui s’applique », a lancé Simon Jolin-Barrette.

À Ottawa, en coulisses, on soutient que le projet de loi fédéral respecte le Code du travail canadien et s’appuie sur des assises légales solides.

SOURCE – La Presse canadienne

(Crédit photo: Wikipedia, utilisateur Coolcaesar)