Chrismène Dorme
C’est dans une atmosphère à la fois festive et chargée d’émotion qu’a été lancé, le jeudi 23 octobre, le congrès annuel de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) à Richmond Hill. L’édition 2025, placée sous le thème « Nous sommes, nous serons », a réuni des centaines de délégués, d’élus et de représentants communautaires venus de partout en Ontario. Ensemble, ils sont venus réfléchir à l’avenir du français dans une province où, plus que jamais, le mot d’ordre semble être « changer ou disparaître ».
L’ouverture, coanimée par l’artiste Yao et la comédienne Mélodie Lorquet, a donné le ton d’un congrès à la fois festif et conscient des défis à venir. Leur duo, complice et engagé, a su insuffler aux participants une énergie communicative, portée par une volonté commune de préserver et de renouveler la francophonie ontarienne.
Le directeur général de l’AFO, Peter Hominuk, a officiellement lancé les travaux du congrès. Dans un discours empreint d’espoir, il a exhorté les participants à transformer leurs ambitions en actions concrètes :
« Il est temps de transformer nos rêves en projets, et nos projets en réalités », a-t-il déclaré.
M. Hominuk a également insisté sur la nécessité d’élargir les alliances de la francophonie en Ontario, notamment avec les peuples autochtones et d’autres communautés linguistiques minoritaires, pour bâtir des ponts de compréhension et de solidarité et pourquoi pas rassembler toutes les cultures en une seule francophonie?
L’heure était venue d’établir le diagnostic des États généraux. L’étude, confiée à PGF Consultants et menée en partenariat avec Brynaert, Brennan & Associés, a brossé un portrait préoccupant : une communauté francophone vivante, certes, mais en perte de souffle. Pour établir ce bilan, la participation de 70 leaders provinciaux a été requise, accompagnée d’un sondage auquel plus de 2200 francophones et francophiles ont répondu.
Une courbe de fréquence cardiaque projetée à l’écran symbolisait la vitalité du « cœur francophone » de la province; un battement fragile qui traduit à la fois la résilience et la vulnérabilité de la communauté.
Selon Benoît Hubert, président de PGF Consultants, le rapport met en évidence une double crise : « Nous faisons face à une crise identitaire et démographique. Depuis 50 ans, la gestion scolaire, les services communautaires et la transmission linguistique souffrent d’un manque de moyens. Cette fragilité entraîne peu à peu un exode des francophones. »
Malgré ce constat alarmant, M. Hubert refuse le défaitisme : « Il faut se donner une douche froide collective, prendre conscience de la réalité, mais aussi retrouver notre capacité d’agir. C’est ensemble que nous devons imaginer les solutions pour les cinquante prochaines années. »
Les résultats de l’étude sont parlants : sur les 2200 répondants au sondage, seulement 67 % transmettent activement la langue française à leurs enfants. Une donnée qui illustre la difficulté de maintenir la langue dans un environnement majoritairement anglophone.
Les politiques d’immigration francophone, bien qu’essentielles au renouvellement démographique, n’ont pas encore porté leurs fruits. De nombreux nouveaux arrivants peinent à trouver un emploi en français, ce qui les pousse souvent à s’intégrer à la majorité anglophone et, parfois, à inscrire leurs enfants dans des écoles anglaises.
Le Congrès 2025 marque le début d’un processus de consultation inédit, étalé sur deux ans. Ce premier volet des états généraux visait à mobiliser l’ensemble des acteurs de la francophonie ontarienne : institutions scolaires, centres de santé, associations culturelles, municipalités et citoyens.
Malgré les difficultés, le sentiment de solidarité demeure fort. Plusieurs participants ont insisté sur la nécessité de raviver la fierté linguistique et de replacer le français au cœur de la vie quotidienne. « L’avenir de notre langue est trop précieux pour le laisser entre les mains insoucieuses », a rappelé Benoît Hubert, invitant à un engagement collectif renouvelé.
Pour clore la plénière, Peter Hominuk a voulu laisser les congressistes sur une note d’espoir et de mobilisation : « Oui, les défis sont grands. Mais on veut que le cœur de la communauté francophone continue à battre ».
Entre inquiétude et détermination, le Congrès 2025 aura permis de dresser un état des lieux lucide tout en traçant les contours d’une nouvelle ère pour la francophonie ontarienne; une ère fondée sur la coopération, la mobilisation, la conviction et l’engagement.
Photo (Crédit : Richard Caumartin): Quelques 200 délégués ont participé aux débats de la première journée.






