Les deux hommes ont des origines différentes mais reliées. Daniel Richer est Abénakis, Michel Paiement, Métis. Les deux se connaissent depuis un bon moment et se sont croisés à plusieurs reprises au fil des années, comme cela a été le cas le 29 septembre dernier lors de la soirée Francophone d’ici et d’ailleurs.
Daniel Richer a commencé sa carrière comme musicien et est depuis quarante ans sur la route. Sa carrière de conteur a débuté alors qu’il travaillait beaucoup comme maître de cérémonie. « À un moment donné, on m’a demandé de remplir du temps et, j’ai raconté une légende. Les gens ont commencé à m’en demander d’autres. Ça m’a permis de faire une rétrospective sur moi-même. Comme j’étais un enfant souvent malade, ma grand-mère prenait soin de moi. C’est de là que j’ai tiré mes contes ».
Contrairement aux légendes et contes tirés de la vieille tradition française, les légendes relatées par Daniel Richer s’intéressent beaucoup aux « comment et pourquoi ». « Pourquoi le ciel est bleu? Pourquoi les feuilles tournent au rouge à l’automne? Comment l’ours est devenu l’enseignant? Chez nous, on a beaucoup d’histoires qui sont des leçons de vie. On n’avait pas de langage écrit. Tout était transmis par la parole. On n’a pas quatre saisons, on en a six. La sixième saison appelée « le long sommeil » est celle réservée pour les histoires ».
De nos jours, les tribus du centre du pays ont pris les habitudes des Européens et ont commencé à écrire les légendes. « Dans l’Ouest du pays, on n’a pas voulu coucher par écrit les histoires et légendes qui se sont perdues. Maintenant, on improvise. » Concernant la question de l’appellation de ceux qui étaient ici avant l’arrivée des Européens, Daniel Richer est affirmatif. « Le terme à utiliser est sauvages. Lorsque les premiers colons sont arrivés, on portait juste du cuir et l’odeur du cuir, on pensait que c’était la sauvagine. Donc on disait on va voir les gens qui portent la sauvagine, on va voir les gens qui portent le sauvage, on va voir le sauvage ». L’étymologie du mot sauvage est « odeur de forêt et don de liberté. C’est loin d’être méchant ».
Pour Michel Paiement, il compte une trentaine d’années dans le domaine de la chanson. Il a commencé « quand Paul Demers est arrivé ». Son répertoire est large et, à l’occasion de sa visite à Windsor, il s’est inspiré du thème général de la soirée pour établir une liste de chansons « … plus folkloriques, certaines de mes compositions et des choses plus modernes. Les chansons que je vais présenter viennent de partout. Je viens de la région de Lafontaine et j’ai une chanson qui s’appelle Wendake ». Il appartient à la nation métisse mais ses sources d’inspiration sont très variées. « Je me promène toujours avec un calepin et je ramasse des idées. Je suis toujours en train d’écrire. J’ai trouvé une de mes chansons chez un monsieur anglophone qui en avait écrit une en français, d’après les sonorités de son français de l’école secondaire. J’ai aussi un petit côté rebelle et je crée ces temps-ci des chansons un peu plus engagée socialement à cause du monde qui nous entoure ». Ces nouvelles chansons vont refléter ce qui se passe non seulement dans la grande communauté franco-ontarienne mais également au niveau de la planète, l’environnement, et puis au niveau des peuples. « Quand on voit ce qui se passe de l’autre côté de la frontière… et pas juste là-bas. Moi j’essaye d’amener le côté respect et il faut le chanter pour éveiller les gens. Ma philosophie d’artiste c’est d’apporter de la beauté dans le monde et de faire réfléchir. J’en ai une sur laquelle je suis toujours en train de travailler. Ça va s’appeler Si j’étais premier ministre et ça va être très engagé socialement. »
Certaines choses changent, d’autres moins. Concernant le choix de carrière qu’ils ont fait, ils se font parfois demander comment ils font pour vivre. Citant Victor Hugo, Daniel Richer dit : « qui trouve emploi qui lui sied, passera sa vie sans jamais travailler ». Les deux s’entendent pour dire qu’ils n’ont pas choisi des parcours faciles et s’ils peuvent travailler parfois 30 jours par mois, il n’est pas rare non plus de n’avoir du travail que pour l’équivalent de trois mois par année. « Et pourtant, il nous faut manger trois fois par jour », conclut-il.
Photo : Daniel Richer et Michel Paiement (en arrière-plan)