Quiconque est passé par Rivière-aux-Canards connaît la vue spectaculaire offerte par l’agencement de la rivière, du pont qui l’enjambe et de l’ensemble institutionnel de l’église et du presbytère. L’endroit a inspiré photographes, peintres et aquarellistes au fil des ans. Cependant, il pourrait perdre une bonne partie de son charme si le projet de démolition du presbytère avancé par le diocèse de London reçoit l’aval des autorités municipales d’Amherstburg. Ce serait déjà dommage, mais le véritable risque réside ailleurs. En effet, le presbytère érigé en 1910 abritait le curé Loiselle, un de ceux qui ont combattu le Règlement XVII en 1912, loi qui bannissait le français dans les écoles francophones de la province. Si la municipalité accède à la requête du diocèse, un édifice témoin d’une des luttes les plus importantes de notre histoire collective disparaîtra.

Selon le diocèse, l’édifice centenaire n’est plus habitable en raison de son âge et du fait qu’il résiste mal aux intempéries. Le coût de travaux nécessaires pour le remettre en état se chiffrerait à un quart de million de dollars. Une fois démoli, il faudrait construire un nouveau presbytère, une dépense de 250 000 $ également. Plusieurs paroissiens croient qu’il vaut mieux investir dans la rénovation et ainsi sauvegarder un édifice patrimonial et historique. Le point faible pour les défenseurs est que si l’église est classée monument historique, le presbytère par contre n’est pas reconnu pour sa valeur architecturale patrimoniale. 

Un peu d’histoire

L’abbé Loiselle a d’abord construit le presbytère puis l’église. Dans ses débuts, Rivière-aux-Canards s’est d’ailleurs dénommée Loiselleville. Au cours de l’épisode du Règlement XVII, la communauté s’est rangée derrière son pasteur pour contester la décision. De son côté, devant le refus de l’abbé Loiselle d’obtempérer et de mettre en application le Règlement, le diocèse l’a relevé de ses fonctions. Il aura fallu la menace d’une lettre de protestation au Vatican pour que l’évêque baisse les bras. 

À l’heure actuelle, le site est beaucoup plus réduit que l’installation initiale car, à l’époque, on y retrouvait une étable, un quai et un hangar pour bateaux. 

Dans la région de Windsor-Essex, c’est la troisième fois que le diocèse manifeste l’intention de démolir des édifices religieux de grande valeur pour les communautés. Lors de la tentative de démolir les églises de Saint-Joachim et de Pointe-aux-Roches en 2006, un mouvement de protestation – SOS-Sauvons nos églises – s’était organisé. Les édifices ont été sauvés suite aux recommandations d’un comité du patrimoine du gouvernement provincial qui a déclaré les deux bâtiments (pas leurs dépendances) suffisamment représentatifs et significatifs pour être classifiés au niveau municipal.