Bob Martin a choisi de raconter une triste page de la Seconde Guerre mondiale en mêlant allègrement histoire et fiction. Son roman s’intitule Neveu d’Hitler. L’enfer en héritage. Il illustre à quel point l’enfer, c’est « quand la souffrance est continuelle, éternelle, immortelle pour les vivants ».

Le narrateur est August, fils de Paula qui est la sœur d’Adolphe Hitler. Il reçoit un Ausweis ou laissez-passer signé de la main du Führer. Cela l’exempt des Jeunesses hitlériennes, de l’inscription au parti, du service militaire et du combat. Dans sa narration, le jeune homme (19 ans) adopte un langage commun à tous les êtres humains, celui de la douleur.

August ressemble trait pour trait aux caricatures du juif propagées par les nazis. Suite à un concours de circonstances, il est arrêté puis torturé par la Gestapo. Incapable de prouver sa véritable identité, il est envoyé à Auschwitz, découvrant de plein fouet la terrible réalité de la Solution finale.

Je vous préviens, certains passages sont horribles à lire, comme cette scène où un jeune garçon affamé éventre son frère, « en sort des boyaux, des intestins. Il les lèche, il les mange, les dévore, il boit le sang, la bile. »

Bob Martin décrit comment des juifs luttent, tiennent le coup en souhaitant que « les dernières forces, les derniers espoirs ne s’enfouissent pas, ne s’étouffent pas sous les couches de déjections de notre existence, de notre quotidien ». Il nous montre qu’à Auschwitz, la volonté de vivre est encore plus forte que la peur des SS.

Le style est posé, presque serein malgré les atrocités décrites. L’auteur écrit qu’August a acquis une paire de vrais souliers et qu’il peut « attendre l’avenir de pied ferme ». Il ne refuse pas de boire un café qui a « le goût d’égout ».   

Martin a passé plus de cinq ans à fouiller le sujet en lisant des centaines d’ouvrages spécialisés et en visionnant des milliers d’heures des documentaires. Aussi, son roman est-il entrecoupé de « gros plans » sur des sujets tels que la Geheime Staatspolizei ou la Gestapo, les juifs en Allemagne, les camps d’Auschwitz, les chambres à gaz, les crématoires, etc. En tout, 70 pages sont consacrées à ces gros plans. 

On y apprend que, d’une capacité de 100 000 détenus, Birkenau s’étendait sur 170 hectares et avait été conçu comme un enfer. « Des ordres avaient été donnés aux architectes pour construire des locaux où la vie serait insupportable. »

Quant à l’Endlösung der Judenfrage (Solution finale du problème juif), on avait d’abord songé à déporter tous les juifs à l’île de Madagascar et à la transformer en gigantesque ghetto.

L’auteur décrit comment Hitler avait pactisé avec le diable, comment ses usines de mort industrielles fonctionnaient à plein régime, faisant disparaître les juifs à la chaîne. Roman bouleversant.

Bob Martin, Neveu d’Hitler – L’enfer en héritage, roman, Boulogne-Billancourt, MA Éditions, 2014, 420 pages, 29,95 $.