Un cafouillis total, voilà ce qui s’est passé lors de la récente cérémonie des Oscars lorsque le présentateur a annoncé que le film La La Land avait remporté la statuette du meilleur film pour ensuite constater l’erreur et remettre le prix aux artisans de la production Moonlight. Cependant, le quiproquo a plutôt glacé le sang des gens présents, selon les commentaires de Vincent Georgie, directeur général du Festival international du film de Windsor et qui était au Dolby Theatre ce soir-là.
« C’est vraiment malheureux ce qui s’est produit. Cette erreur a gâché une soirée qui avait été, jusque-là, très bien menée et pire, cela a éclipsé la qualité du travail réalisé dans l’industrie au cours de la dernière année », a souligné M. Georgie.
On connaît l’anecdote : la mauvaise enveloppe remise aux présentateurs, l’équipe de La La Land sur la scène en train de remercier puis, l’annonce que « ce n’est pas une plaisanterie, le film gagnant est Moonlight.
« Cela a créé un immense malaise dans la salle. Les gens de Moonlight recevaient littéralement leur trophée des mains de ceux de l’autre équipe. Pour l’industrie du cinéma qui est très sensible à sa réputation, c’était une situation impensable », ajoute M. Georgie.
Au-delà de cet écueil, M. Georgie se dit satisfait d’avoir pu constater que cette année, la diversité était au rendez-vous alors qu’en 2016, plusieurs avaient déploré que les acteurs noirs fussent absents. « Il était clair cette année, seulement dans la liste des nominations que la situation avait changé. D’ailleurs, les actrices retenues pour les nominations avaient toutes signé de grandes performances », rappelle le directeur du Festival du film de Windsor.
M. Georgie ne croit pas que l’on ait voulu faire de discrimination positive et soutient que les prix remportés étaient amplement mérités : « Il ne s’agit pas d’un cadeau de l’industrie et ceux qui voudraient croire que Moonlight a gagné parce que c’était des acteurs de race noire sont complètement dans l’erreur ».
Selon lui, le fait que La La Land ait été présenté comme le plus grand film depuis sa sortie et qu’il ait remporté tant de prix a haussé le niveau des attentes. « Dans un tel contexte, lorsque tu vois le film, il est difficile de ne pas être un peu déçu. Cela a certainement joué en sa défaveur », confirme M. Georgie.
Ce grand rendez-vous annuel est beaucoup plus que la simple soirée de remise des prix. Entre ce que la télévision montre et la réalité, il y a quelques différences. Ainsi, il est difficile d’imaginer que la salle où se déroule la soirée fait partie d’un centre commercial. Il n’y a pas de journalistes non plus dans la salle, des derniers étant rassemblés dans un hôtel voisin.
Il faut également savoir que les artisans sont regroupés par section. Ainsi, tous ceux qui ont travaillé sur des documentaires sont ensemble, tout comme les techniciens et les acteurs. « Cela explique pour une bonne part les expressions figées des voisins de ceux qui gagnent, raconte M. Georgie. En fait, ils viennent d’apprendre qu’ils ont perdu. C’est une ambiance assez froide. D’ailleurs, ce que l’on ne voit pas à la télévision, ce sont les perdants qui sortent durant les pauses. »
Durant la présentation, personne ne peut entrer ou sortir de la salle. Cependant, lors des pauses publicitaires, on ouvre les portes et ceux qui attendent à l’extérieur peuvent alors entrer alors que les personnes déçues en profitent pour s’éclipser.
« Il y en a également qui ne souhaitent pas rester toute la soirée sur place et qui arrivent juste à temps pour leur participation, poursuit-il. Par exemple, un acteur qui doit présenter un prix vers la fin de la soirée va arriver plus tard comme cela s’est encore produit cette année. »
Malgré le ton généralement très poli des interventions au cours de la soirée, M. Georgie dit avoir remarqué « que l’industrie n’est pas seulement fâchée, elle est enragée par l’administration Trump. Ça va certainement se concrétiser dans des documentaires qui seront produits au cours des prochaines années.
Quant à la longueur de la cérémonie, M. Georgie préfère qu’elle soit plus longue que trop courte, ce qui donne le temps de mieux apprécier ce qui se passe durant trois heures et demie. Selon lui, « la télévision aimerait que ce soit plus court, mais, ces 30 minutes additionnelles font vraiment une différence et permettent de rendre hommage comme il se doit aux artisans de l’industrie ».
Vincent Georgie gravite dans ce milieu depuis sept ans. Son intérêt pour l’industrie a été au coeur de sa thèse de maîtrise et de celle de doctorat. Il a d’abord été invité par un groupe californien et, de fil en aiguille, il s’est retrouvé membre du jury de sélection du meilleur film étranger. Sa participation profite également au Festival international du film de Windsor.
« Le fait que je sois directeur d’un festival réalisé par des bénévoles qui a vendu plus de 20 000 billets cette année et qui a présenté plusieurs films qui étaient en nomination nous donne beaucoup de crédibilité dans l’industrie », conclut
M. Georgie. Cette crédibilité est très importante selon lui au moment où les invitations arrivent pour assister à des festivals où lui et son équipe iront dénicher les productions qui s’inscriront à la programmation l’automne prochain.

Photo: Vincent Georgie, directeur général du Festival international du film de Windsor