Dans le cadre de la Semaine nationale de l’immigration francophone, le Centre d’aide aux adolescents proposait, le 5 novembre dernier, une rencontre avec Didier Marotte, directeur général de Place Concorde et lui-même immigrant originaire de la Belgique. 

En quelque 20 minutes, alternant entre un ton sérieux, celui de la confidence ou une approche humoristique, M. Marotte a partagé ses souvenirs et expériences à titre de jeune adolescent arrivé au pays avec sa famille il y a quelques décennies. Chacun a ses raisons et motivations au moment de décider de quitter son pays d’origine pour recommencer ailleurs. 

« Déjà certains membres de la famille étaient arrivés au Canada et ils nous racontaient comment ce déménagement avait contribué à améliorer leur vie, raconte M. Marotte. Mon père travaillait dans le secteur de la construction et, si les affaires allaient bien, il devenait de plus en plus évident que la situation économique allait se détériorer en Belgique dans les années à venir. »

La décision prise, la famille Marotte arrive dans le Sud-Ouest ontarien et fait face à un premier choc. « Wow!, on arrive ici et il fait tout près de 100 degrés avec un taux d’humidité de 80 %. Sommes-nous déménagés dans un pays tropical?, se rappelle Didier Marotte. Rapidement, il faut trouver un toit, acquérir les documents importants tels que le permis de conduire, dénicher du travail, s’inscrire à l’école. Choc culturel également. « Nous ne parlions pas anglais et j’ai rapidement compris que ce devait devenir ma priorité », poursuit-il. 

Insatisfait à l’école et désireux d’aider sa famille à joindre les deux bouts, le jeune Didier quitte le milieu scolaire pour s’inscrire à des cours de conversation. Après une courte période, il décroche un premier emploi comme vendeur de chaussures. « Avec le tout petit peu d’anglais que j’avais, je me retrouve à travailler dans le public », confie-t-il. Suivront une série d’emplois dans différents secteurs dont la construction. Il est attiré par un emploi dans le secteur de la restauration qui le mènera à acquérir des connaissances de plus en plus étendues qui lui permettront d’y faire une carrière et qui s’étend maintenant sur près de 40 ans. 

Didier Marotte complétera éventuellement son cours secondaire au Collège St. Clair : « Jusque-là, j’indiquais toujours que j’avais ce diplôme et personne ne vérifiait mais, je voulais pouvoir dire à mes enfants que je détenais ce diplôme ».

« À cette époque, le Canada manquait de main-d’œuvre et recherchait principalement des immigrants en provenance d’Europe », ajoute-t-il. 

Il faudra attendre les années 1960 avant que les frontières s’ouvrent aux immigrants venus d’Afrique, du Moyen-Orient ou d’Asie. « Quand je suis arrivé ici, celui qui était prêt à relever les manches et à travailler pouvait faire son chemin et grimper dans l’échelle sociale, et ce même sans diplôme », mentionne-t-il. 

De nos jours, selon lui, même s’il est essentiel de travailler fort, l’éducation constitue un prérequis incontournable pour le nouvel arrivant. « Le bénévolat est important également. Il permet de rencontrer des gens, de créer des réseaux et aussi de démontrer que vous êtes une personne travaillante et digne de confiance. Par exemple, à Place Concorde, plusieurs de nos jeunes employés ont d’abord fait leurs preuves à titre de bénévoles. Nous les avons regardés travailler et, au moment où des postes s’ouvraient, nous les avons invités à se joindre à l’équipe. Nous étions confiants qu’ils pourraient faire le travail et s’intégrer au groupe ». 

Le Canada est une terre d’opportunités pour Didier Marotte, et c’est le message qu’il a voulu transmettre à son jeune auditoire. « Entre le moment où ma famille est arrivée ici et aujourd’hui, le monde a changé mais le Canada demeure un endroit où on est toujours en sécurité, où même les immigrants et les réfugiés ont accès à l’éducation, au système de santé, et ce, dès leur arrivée, ajoute-t-il. Comme Canadiens, nous nous levons le matin et ces choses sont là. Nous ne les questionnons pas et cela est accessible à tout le monde. »

En réponse à une question, M. Marotte a indiqué qu’il lui avait fallu environ deux ans pour sentir qu’il avait sa place ici. « En partant de la Belgique, dit-il, nous avons laissé bien des choses derrière nous. Il m’a fallu deux ans pour me créer un cercle d’amis et pour me sentir à l’aise ici avec de moins en moins d’épisodes au cours desquels je m’ennuyais de mon ancienne vie. »

Aux adolescents devant lui, il a recommandé de poursuivre leurs études, de cultiver la langue et la culture françaises « qui sont un bijou précieux dans ce pays bilingue ». La rencontre s’est conclue par la dégustation d’un dessert typiquement belge, une tartelette sucrée préparée par la classe de nutrition de l’école Michel-Gratton. 

Photo: Les jeunes du Centre pour ados ont constaté qu’ils pouvaient faire leur place au Canada.