Née en 1947 en Grande-Bretagne, l’historienne Mary Chamberlain publie son premier roman, De pourpre et de soie. Un titre bien choisi puisque la protagoniste Ada Vaughan est une couturière aux doigts de fée. Cette jeune femme britannique est séduite par un soi-disant comte autrichien qui l’amène à Paris, capitale de la haute couture. La Seconde Guerre mondiale éclate et l’enfer commence pour Ada.

Avant de rencontrer le séduisant comte, Ada fait ses classes en couture. Pour elle, le tissu vit et respire. « Il avait une personnalité et des humeurs. La soie était têtue, le limon maussade. La laine peignée était coriace, la flanelle paresseuse. » Ada adore la métamorphose que lui offrent les vêtements. Ces derniers lui permettent « d’incarner le feu ou l’eau, l’air ou la terre ».

Le roman est traduit de l’anglais, mais plusieurs mots figurent en français dans la version originale. En voici quelques exemples : « couture, atelier, naïve, au fait, voilà ». Étrangement, plusieurs mots sont en allemand dans le texte, sans traduction : « Kommt, Bleih!, Nönnlein, Auf wiedersehen ».
Je transcris la toute première phrase du roman, car elle est finement ciselée, presque poétique. « Les rayons du soleil d’avril jouaient avec les irrégularités de la soie noire, mer d’ébène et de jais, d’argent et d’ardoise. » Le style demeure toujours soigné, mais il y a des longueurs qui nous incitent à sauter plusieurs pages ou à lire en diagonale. L’éditeur aurait pu réduire le texte de 444 pages à 350, peut-être même à 300 pages.

C’est déguisée en religieuse infirmière qu’Ada passe une bonne partie de la guerre à Munich. Elle découvre « l’odeur de la peur [qui] pénètre l’atmosphère… la terreur [qui] tapisse sa langue d’un goût âcre ». Elle soigne les malades et prend soin des gens âgés. Herr Weiss la retient « comme une esclave, lui déniant tout sentiment ».

Une fois revenue à Londres, Ada est reniée par sa famille. Son père est décédé durant la guerre, mais sa mère, ses sœurs et ses frères sont « trop occupés à être catholiques pour faire preuve de charité chrétienne ». La guerre est finie, mais Ada ne sort pas pour autant de l’enfer.

Paul-François Sylvestre