Originaire de Pointe-aux-Roches, sur les rives du lac Sainte-Claire, Paul Chauvin s’investit exceptionnellement auprès de la culture francophone depuis toujours. Avec passion, il raconte ses souvenirs de directeur d’école.

Des Jésuites à Ottawa
Il a quitté la ferme familiale pour aller étudier à Sudbury, auprès des Jésuites. « Mes sentiments face à notre langue et notre communauté viennent de mon père et des Jésuites, confie le volubile personnage de 85 ans. Je leur dois tout. C’est grâce à ces six années passées là-bas que j’ai appris à être fort et à me battre pour ce dont je suis le plus fier : ma langue, ma culture. »
Cet investissement de soi pour les francophones ne date pas d’hier. M. Chauvin a eu l’exemple de son père qui a été président de la Caisse populaire de Pointe-aux-Roches à ses débuts et de plusieurs autres mouvements.
« Nous avons toujours eu besoin de lutter pour notre langue et notre culture. C’était tout à fait naturel de défendre nos droits, de s’impliquer. Je ne pense pas qu’on faisait un choix, c’était automatique », commente le raconteur.
Après ses études à l’Université d’Ottawa, l’homme se fait confier le mandat d’ouvrir, en 1966, une école secondaire à Noëlville, dans le Moyen-Nord ontarien, où il a d’ailleurs été invité cette année à aller célébrer le 50e anniversaire de l’école de la Rivière-des-Français. Trois ans plus tard, il ouvre l’école secondaire Macdonald-Cartier à Sudbury. « On m’a demandé d’avoir au moins 380 élèves, j’en ai trouvé 1600! », raconte le rassembleur qui faisait du porte-à-porte pour recruter des élèves.

Le retour dans le Sud-Ouest
Après 23 ans dans le Nord ontarien, il est de retour sur les terres du Sud-Ouest cultivées par ses ancêtres depuis 300 ans. Il s’implique alors dans le dossier de l’école l’Essor pendant 10 ans, avant de devenir le premier directeur de la première école secondaire française du comté d’Essex en 1979. « Ces trois écoles sont ma plus grande satisfaction », confie-t-il.
Ce pilier de la francophonie s’interroge quant à l’avenir de la langue française. « Avant, tout Pointe-aux-Roches était français. On restait dans notre communauté et on s’investissait auprès de celle-ci. Dans mon jeune temps, on était tous ensemble, on était isolés. C’était tissé serré, on était un noyau. Là, on est devenu global. Avec la mobilité, il y a plus de mariages mixtes (anglophone avec francophone) puisque les gens se déplacent plus facilement. L’influence de la masse se fait sentir », explique-t-il. L’avenir de la francophonie semble en danger. « On perd la langue de plus en plus à cause des influences modernes. Ça sera encore plus vrai dans l’avenir », ajoute le père de trois enfants.
M. Chauvin a de nombreuses implications à son actif. Cofondateur du défunt club Richelieu Les Campagnards duquel il a été membre pendant 21 ans, membre du comité fondateur de la Fédération des étudiants du secondaire franco-ontarien (maintenant connue sous le nom de Fédération de la jeunesse franco-ontarienne), encore aujourd’hui très active. « On avait des jeunes dans nos écoles, mais ils parlaient toujours anglais. On s’est dit qu’il fallait mousser le français des étudiants! »

Célébrations et jeux de cartes
L’homme motivé a aussi été membre du conseil d’administration de Place Concorde, président de l’ACFO, bénévole à l’Association des femmes canadiennes-françaises où ses tourtières étaient très appréciées!
Parmi la longue liste de ses réalisations, Paul Chauvin parle avec enthousiasme et fierté des Fêtes du tricentenaire. L’année de célébrations avait marqué les 300 ans de la présence française, avec l’arrivée d’Antoine de Lamothe Cadillac, fondateur du grand Détroit en 1701.
Tout a commencé avec l’idée de reconstruire le voilier de Cadillac, le Griffon. Finalement, c’est devenu une grande fête culturelle. « Je voulais de la permanence, poursuit-il. Je ne voulais pas une fête de village qu’on oublie dans 10 jours. »
À l’Hôtel de ville se trouve un mur avec les noms des familles fondatrices de la plus vieille communauté francophone à l’ouest de Montréal. Avec la précieuse collaboration de Philippe Porée-Kurrer, deux livres ont été écrits pour l’occasion : Trois siècles de vie française au pays de Cadillac et Trois siècles de recettes au pays de Cadillac. L’apogée des commémorations a été le grand spectacle sur les rives de la rivière Détroit, qui est au cœur du sentiment d’appartenance des francophones de la région. Le 24 juillet, date du débarquement de Cadillac, 18 groupes de musique venus d’aussi loin que la Louisiane ont souligné ce grand jour.
Aujourd’hui, M. Chauvin est encore actif aux Clubs de l’Âge d’or de Pointe-aux-Roches et de Saint-Jérôme. Il ne manquerait pas une rencontre pour jouer aux cartes!

Marie-Ève Boudreault