Avec l’avènement des médias sociaux, les ados communiquent beaucoup entre eux et dévoilent plein de détails sur leurs goûts, intérêts et aspirations. Mais ils cachent parfois des secrets. Tout n’est pas nécessairement mis au grand jour. C’est ce qu’Éric Godin nous démontre dans la brute et la belle, un roman où les confidences d’un garçon et d’une fille révèlent leur fragilité extrême.

Jocelyn mesure plus de six pieds et pèse près de 210 livres. En quatrième secondaire, il fait penser « à ces lutteurs professionnels qui sont plus grands que nature et qui peuvent déchirer un bottin téléphonique avec la seule force de leurs mains ». Asocial et bourru, c’est le genre de gars qu’on n’imagine pas en relation avec un autre être humain. 

Marie-Noëlle est une ado qui débarque un bon matin dans l’école et la classe de Jocelyn. Elle a « le physique d’une meneuse de claques et l’intelligence d’une première de classe ». Pourquoi cette belle voudrait-elle regarder une brute et même lui parler? L’auteur tisse bien son intrigue et la vérité ne se révèle qu’en filigrane.

Jocelyn, tout comme Marie-Noëlle, est un ado mal dans sa peau. Son physique lui permet de faire payer des élèves pour qu’il les protège. Marie-Noëlle, qui est appréciée de toute l’école, demande à Jocelyn d’agir comme garde du corps, pour elle et son plus jeune frère. La brute sent que la belle lui cache quelque chose. Ce ne peut-être que d’un adulte qu’elle a peur, se dit-il. 

L’action du roman se déroule, grosso modo, entre le 2 septembre, 8 h 24, et le 28 octobre, 20 h 42. Durant cette courte période, un attachement réel se développe entre la brute et la belle; la complicité gagne du terrain à un rythme bien soutenu. Jocelyn a beau vouloir montrer à son entourage qu’il est un monstre, Marie-Noëlle sait qu’il a un bon cœur. Il faudra, hélas, un événement d’une rare violence pour réveiller ce bon cœur…

Le style est direct : « Est-ce qu’il n’y avait donc rien pour moi dans cette putain de vie? Est-ce que j’étais condamné à vivre malheur par-dessus malheur pour le restant de mes jours? » Les dialogues sont parfois coquins : « J’ai failli lui sauter au cou. Je me suis retenu parce que, bon, sinon elle serait morte écrasée. » 

La brute et la belle est un roman pour les 13 ans et plus, mais je le recommande aux adultes aussi car il est toujours intéressant de rencontrer des personnages au passé sombre, bourrés de secrets et à l’apparence trompeuse.

Éric Godin, la brute et la belle, roman, Saint-Lambert, Soulières éditeur, coll. Graffiti no 86, 2014, 224 pages, 15,95 $.