Lorsque le frère Paul Desmarais, un jésuite (SJ), est arrivé en Zambie comme missionnaire il y a une quarantaine d’années, il avait, pour l’aider dans son travail auprès des communautés rurale, les outils traditionnels des fermiers canadiens : des tracteurs, des engrais chimiques, des pesticides, des insecticides, etc. Avec le temps et l’expérience, l’approche s’est modifiée et maintenant, elle est entièrement biologique.
Le frère Paul est entré dans la congrégation de Jésus en 1963. Originaire de Pointe-aux-Roches tout comme Oscar Gagnon (décédé) et Michael Parent, missionnaire au Tibet, il n’imaginait probablement pas le parcours qui allait être le sien pour plus d’un demi-siècle.
Il a donc grandi sur la ferme et c’est avec les connaissances acquises dans sa jeunesse qu’il est arrivé en Zambie.
Dans un article paru dans la revue des Jésuites, Nouvelles (juin 2015), il souligne qu’il s’est rendu compte que l’agriculture telle que pratiquée au Canada ne fonctionnait tout simplement pas en Afrique. Il suffisait que la pluie arrive un peu plus tard en saison ou que le tracteur soit en panne pour que les récoltes ne parviennent pas à faire leurs frais et que le ravitaillement en nourriture devienne problématique dans les communautés.
Il lui a donc fallu accepter de mettre de côté tout ce qu’il savait depuis sa petite enfance et imaginer une nouvelle façon de cultiver la terre. Au début des années 1990, il s’est donc tourné vers l’agriculture biologique, sans labour, et a mis sur pied le Centre de formation en agriculture de Kasisi, sachant que la clé du développement allait devoir passer par la formation des fermiers.
« Pour les petites surfaces de un à cinq arpents, c’est la façon idéale de cultiver. Pour les très grandes surfaces, la situation est différente, explique-t-il. Au lieu d’utiliser une charrue pour retourner la terre, on sème directement sur le sol, ce qui permet de conserver les vers, les microbes et bactéries déjà présents et qui constituent la richesse du sol. »
Il est à noter qu’au Canada, les horticulteurs recommandent de plus en plus aux jardiniers amateurs de ne pas retourner le sol de leur jardin ou de leurs platebandes exactement pour les mêmes raisons.
Au cœur de ce changement, le Centre de formation dont il est responsable est essentiel. « On y dispense des formations dans différents domaines pouvant aller de l’agroforestier à la gestion. Au total, le Centre offre 17 cours différents. Les formations se font directement au Centre ou encore par radio.
« Maintenant, nous recevons des fermiers/étudiants en provenance du Malawi, du Burundi et de Namibie. Au terme de leur formation, ces derniers retournent chez eux et peuvent, à leur tour, enseigner à leurs familles et voisins. »
Si le Centre a dorénavant un tel rayonnement, c’est parce que l’approche biologique donne des résultats. « Maintenant, les récoltes sont quatre fois plus importantes que celles à l’époque où on utilisait l’approche nord-américaine », ajoute le missionnaire.
Le frère Paul est « en vacances » dans la région pour quelques semaines : « Chez les Jésuites, on nous accorde trois mois de vacances tous les trois ans pour revenir au pays ».
Âgé de 72 ans, il n’entrevoit pas prendre sa retraite. « Il n’y a pas de retraite comme telle chez les Jésuites. Lorsque la tâche devient trop lourde, on nous affecte à des travaux différents. Il se peut que mon prochain séjour de trois ans en Zambie soit le dernier », souligne-t-il.
Cependant, il sait d’ores et déjà qu’il y a une relève en Zambie et ailleurs en Afrique, notamment au Malawi. Les vocations sont nombreuses et les nouveaux prêtres ou frères sont très bien formés et favorables à l’approche agricole biologique implantée par le Centre de formation.
Paul Desmarais note d’ailleurs qu’en ce qui a trait au développement des vocations, « le futur est là-bas ». Cependant, il tient à rappeler que le Sud-Ouest ontarien, et notamment Pointe-aux-Roches, a fourni plusieurs missionnaires. D’ailleurs, il aimerait bien voir des vocations missionnaires se lever à nouveau. « Il est important de ne pas penser qu’à soi mais aussi aux autres », un message vieux de plus de 2000 ans qui est encore et toujours au cœur de la vie catholique.
Photo : le frère Paul Desmarais.