Alexia Grousson
Le 16 septembre, le village de Pain Court a célébré le dévoilement officiel d’une plaque commémorative soulignant deux siècles de présence francophone dans la région. Plus de 70 personnes se sont réunies devant le bâtiment patrimonial de la Central Tavern, où une réception a suivi la cérémonie.
Deux plaques — une en français et une en anglais — ont été installées dans le cadre du Réseau du patrimoine de Chatham-Kent, la 16ᵉ du genre dans la municipalité. Pour Paul Roy, membre du comité et représentant de la communauté francophone, cette initiative permet de reconnaître « 200 ans de présence francophone dans la région, une présence qui a façonné l’identité même du village ».
La plaque est située sur un site historique, près du cimetière, de la première chapelle et de la première église. Elle rappelle que les premiers colons, arrivés vers 1815, avaient choisi cet endroit pour ses terres fertiles, ses marécages propices à l’agriculture, sa forêt abondante et son climat favorable. Le Pain Court Creek marque d’ailleurs l’un des lieux d’établissement originels.
Un aspect marquant de cette histoire concerne l’éducation : en 1928, Pain Court est devenu le site de la première école publique de langue française en Ontario. Cet établissement a formé plusieurs générations d’enseignants ayant œuvré dans toute la province. Bien que la fondation officielle du village soit souvent datée de 1854, année de construction de la première église, la colonisation remonte à environ quarante ans plus tôt.
La plaque retrace également l’origine du nom « Pain Court ». Faute de moulin local, les habitants devaient se rendre à Détroit pour moudre leur farine. Les missionnaires, visitant la région deux ou trois fois par an, apportaient un peu de farine pour aider à la fabrication du pain, et évoquaient « le village où le pain est court », donnant ainsi son nom au village.
L’histoire locale est également marquée par le combat pour le nom officiel du bureau de poste. En 1860, celui-ci fut nommé Dover South par les autorités canadiennes, ce qui provoqua l’indignation des francophones. Malgré cette désignation, les habitants continuèrent à utiliser Pain Court dans leur correspondance. Ce n’est qu’en 1911, grâce à l’intervention du curé Alfred Emery, que le nom fut officiellement rétabli. Paul Roy souligne que le père Emery « ne s’est pas limité à cette action symbolique. Il a également fondé l’école, le couvent et deux autres monuments, assurant la cohésion sociale et la défense de la langue française ».
La cérémonie s’est poursuivie à la Central Tavern, avec un déjeuner à la française, notamment des croque-monsieur préparés avec du pain sans levure de la boulangerie locale. Huit musiciens ont animé la réception avec des chansons d’époque, créant une ambiance festive et nostalgique.
Le maire de la municipalité a également participé à l’événement. Paul Roy en a profité pour rappeler quelques personnalités originaires de Pain Court, dont Joseph Caron, ancien ambassadeur du Canada en Chine et au Japon, et Rick Desjardins, acteur connu au Royaume-Uni.
Le dévoilement de la plaque a été effectué par Marie-Louise Martin, doyenne de la communauté âgée de 95 ans, accompagnée du jeune Andrew Rolo, 7 ans, représentant la nouvelle génération de francophones. Pour Paul Roy, cette plaque est bien plus qu’une commémoration : « Elle témoigne de notre existence, de notre persévérance et de notre survie dans un environnement majoritairement anglophone. C’est un moment vraiment spécial. »
Photo : La plaque inaugurée le 16 septembre (Crédit : Marthe Dumont)