Un nombre considérable de jeunes ont tendance à voir le passé du Québec comme une page d’histoire frustrante ou embêtante, voire tragique, où il en ressort une mentalité de survivance ou de résistance face à l’adversité. Voilà une des conclusions à laquelle en arrive Jocelyn Létourneau dans une étude intitulée Je me souviens? Le passé du Québec dans la conscience de sa jeunesse.
M. Létourneau a effectué un sondage auprès de 3475 jeunes du secondaire, du collégial et de l’université. Il a recueilli 2752 réponses classables à la question suivante : « Si vous aviez à résumer, en une phrase ou une formule, l’aventure historique québécoise, qu’écririez-vous personnellement? » De ce nombre, 46,5 % provenait des hommes et 53,5 % des femmes, 83 % des francophones et 17 % des anglophones.
Habitués aux tweets, textos et clips, les jeunes ont campé la substance du passé québécois « dans une ultima sententia ». Cela a parfois donné lieu à des réponses lapidaires comme « Société distincte, Une nation à l’identité changeante ou English vs French ». Certains jeunes ont joué aux philosophes avec beaucoup d’à-propos : « L’histoire du Québec est un casse-tête dont les pièces se retrouvent ici et ailleurs ».
L’auteur écrit que cette étude « ne nous a pas transportés dans le monde de la connaissance fine ou de l’interprétation savante de la réalité historique. Elle nous a plutôt conduits dans l’univers de la représentation et de la production populaire du sens commun relatif au passé. Dans cet univers, il n’y a pas de vrai ou de faux ni de bon ou de mauvais. Il y a seulement du dire, […] nonobstant le caractère inexact ou attaquable de ce qui est affirmé. »
Même s’il ressort que plusieurs jeunes ont une vision négative de la condition québécoise – « défaitisme, victimalisme, résistancisme, combattivisme » –, entre 20 % et 25 % d’entre eux se montre plutôt satisfait de ce que fut le parcours historique de leur province.
Il y a un dénominateur commun chez les anglophones et les francophones; il y en a même deux : « le passé québécois a été marqué par un conflit pérenne et des disputes continuelles entre Français et Anglais ; les Autochtones ont été les grands perdants de l’histoire ».
L’auteur souligne un énoncé aussi truculent qu’intrigant d’un jeune anglo : « Cheese curds + Gravy + French Fries = Fatty goodness ». Les crottes de fromages sont associées aux anglophones, les frites aux francophones et la sauce aux « autreocthtones ». Faut-il y voir une société québécoise qui s’apparente à « une poutine éminemment délicieuse, mais dangereusement adipeuse »?
L’étude signale que le nouveau cours Histoire et éducation à la citoyenneté ne semble pas avoir dépolitisé les élèves. Les grandes références nationales continuent d’agir sur la raison historique des jeunes. Et l’histoire du destin tragique du peuple québécois, chez les francophones tout au moins, n’est pas en voie d’être remplacée par une vision déconflictualisée et multiculturaliste du passé collectif.
Jocelyn Létourneau, Je me souviens? Le passé du Québec dans la conscience de sa jeunesse, étude, Montréal, Éditions Fides, 2014, 256 pages, 19,95 $.