« Ça apporte de la bad luck d’échapper du sel. Écris-moi des mots qui sonnent right on. Il faut que ça fasse un number one. » Voilà des phrases en franglais. C’est la langue que Marc Cassivi, chroniqueur culturel à La Presse, parle avec ses frères et sœurs depuis 30 ans. C’est aussi la langue de la chanteuse Lisa LeBlanc ou du groupe Dead Obies qui chante « You don’t need tout ce que j’ai à part un peak de self-esteem ». Le franglais est le sujet du court essai Mauvaise langue de Marc Cassivi.

Je vous le dis tout de suite, l’auteur ne considère pas que le franglais soit une mauvaise langue. Ce sont plutôt les puristes et les curés aux oreilles écorchées par les dialogues des personnages de Xavier Dolan qui y voient une langue à proscrire. À en croire ces « Chevaliers de l’Apocalypse linguistique, ce dialecte rébarbatif s’est imposé comme langue commune d’une génération insouciante de Québécois ».

Marc Cassivi estime que, tout comme le joual de Michel Tremblay au début des années 1960, le franglais du XXIe siècle a droit de cité et n’appauvrit en rien la langue officielle du Québec, n’en déplaise aux « thuriféraires du nationalisme ethnique et autres monomaniaques de la langue française ».

Le court essai ne donne pas beaucoup d’exemples de phrases en franglais, c’est-à-dire un mélange aléatoire de mots anglais et français. Il cite le journaliste Mathieu Bock-Côté du Journal de Montréal, qui écrit : « Dude, ç’a fuckin’ pas rapport le blogue… » Puis il précise que le franglais suit une sorte de code qui consiste à ne jamais parler plus que deux minutes exclusivement dans l’une ou l’autre de ces deux langues.

Selon l’auteur-journaliste, une langue n’est pas une prison. « On peut la protéger sans s’enfermer dans l’obsession du français, la crainte irraisonnée du bilinguisme et le refus obstiné de l’anglais. » Les œuvres de Michel Tremblay ou de Réjean Ducharme, par exemple, n’ont pas été écrites en français international « standardisé » pour plaire à un public étranger. Or, dans 100 ans, on se souviendra d’eux et non pas de « ceux qui ont voulu masquer leur québécitude en la noyant dans une langue inodore, sans saveur ni aspérités, empruntée à d’autres afin d’être mieux entendue dans les salons de Saint-Germain-des-Prés, les émissions de radio de la francophonie ou les pages d’opinion du Figaro ».

Les Québécois sont depuis longtemps maîtres chez eux, comme l’avait souhaité Jean Lesage. Ce n’est pas le refrain en franglais d’une chanson des Dead Obies qui changera quoi que ce soit.