Survoler l’histoire de l’art en 90 minutes en mettant l’accent sur l’art contemporain n’est pas une sinécure. Cependant, pour la dizaine de personnes qui ont assisté à la conférence de Yves Laroque du Bureau des regroupements des artistes visuels de l’Ontario (BRAVO), le voyage conceptuel s’est fait simplement, dans la bonne humeur et l’impression de participer à un apprentissage dont on a un peu oublié l’usage aujourd’hui.
M. Larocque était dans la région à l’invitation de la Art Gallery of Windsor et de sa conservatrice en art contemporain, Jaclyn Meloche. L’invitation avait été lancée à toute la population et particulièrement aux membres de BRAVO-Sud.
« Pendant 35 000 ans, on a essayé de reproduire la nature de la façon la plus réaliste possible puis on a commencé à la déconstruire ».
Dans ce travail de réinvention de la peinture, entre autres, la perspective que l’on avait mis si longtemps à maîtriser sera une des premières conventions qui sera remise en cause.
Selon Yves Larocque, c’est en 1917 qu’une œuvre signée sous le pseudonyme Richard Mutt (Marcel Duchamp) marque le début de l’art contemporain tel que nous le voyons évoluer depuis un siècle. L’œuvre s’intitule Fontaine et n’est rien d’autre qu’un urinoir tel que l’on en retrouve en quantité d’exemplaires un peu partout sur de la planète.
À l’époque, la Société des artistes indépendants de New York refuse d’exposer l’objet que Duchamp a choisi afin de déplacer l’attention de la personne qui regarde les œuvres d’une exposition vers l’interprétation plutôt que vers l’appréciation du talent, ou non, de l’artiste. Ce sera l’objet de bien des controverses mais, comme le soulignait M. Larocque, le mouvement était lancé.
En filigrane de sa présentation, le conférencier a également commenté la place des nouvelles technologies comme étant un incitatif puissant pour les créateurs. « Tapez : comment peindre une grange rouge dans un champ de blé doré, et vous verrez apparaître des milliers de documents », explique-t-il.
À la limite, selon lui, les ordinateurs disposant de grandes bases de données peuvent le faire en peinture et en musique également puisqu’un ordinateur, après avoir digéré toute l’œuvre de Beethoven peut maintenant composer des sonates.
« On a présenté un concert dont le programme reposait sur des œuvres de Beethoven et de pièces composées par l’ordinateur « à la manière » de Beethoven. Le public a en majorité préféré ces dernières », ajoute-t-il. Cela force donc à la réflexion sur le concept même du geste créateur en art.
Selon M. Larocque, au cœur de la création artistique se retrouvent trois notions –l’intention, le savoir et le choix – qui demandent non seulement du travail d’acquisition de connaissances et de réflexion mais qui placent le créateur devant la nécessité de faire des choix dans la manière dont il va traiter son sujet.
Le fera-t-il comme peut aujourd’hui le réaliser un bon ordinateur ou osera-t-il affirmer la maîtrise qu’il a de son art et présenter une proposition différente?
Pour bien des participants à la rencontre, il y a là matière à réflexion pour tout un chacun.

Photo : Jaclyn Meloche et Yves Larocque (au centre) ainsi que quelques participants.