«À l’âge de six ans, l’enseignante m’appelait l’enfant du diable. J’étais gauchère. Elle me punissait pour cela. Les autres me regardaient d’un drôle d’air et moi je croyais que c’était de ma faute. (…) Chez ma gardienne, on me disait de m’asseoir à un endroit précis, de ne parler à personne et de ne toucher à rien. Les autres enfants pouvaient jouer et moi, j’étais convaincue que c’était de ma faute. (…) À 13 ans, en attendant l’autobus scolaire, trois garçons me jetaient par terre et me touchaient pendant que les autres élèves regardaient de l’autre côté. »
Plusieurs années plus tard, Andrée Myette, qui présentait une conférence intitulée La résilience est vraiment en nous, le jeudi 1er juin dans une activité du Réseau des femmes du Sud-Ouest de l’Ontario (RFSOO) non seulement envisagea le suicide mais s’y prépara, jusqu’au jour, où se demandant qui pourrait bien prendre soin de son chat par la suite, elle s’est rendu compte qu’elle accordait plus de valeur à la vie de son chat qu’à la sienne.
« Ça m’a fait l’effet d’une claque en plein visage », dit-elle. Son parcours, avant qu’elle ne choisisse de renverser le cours des choses et de reprendre sa vie en mains, est celui de tous ceux qui voient leur vie intérieure leur échapper, et ce, même si professionnellement, ils connaissent du succès.
« J’étais gestionnaire. Je gagnais un salaire dans les six chiffres, les voyages et tout cela mais, je prenais tout très à coeur personnellement et, quand les choses allaient mal au travail, je croyais que c’était de ma faute et donc, je compensais en prenant plus que ma part de travail sans en parler à qui que ce soit », raconte Mme Myette.
Elle quitte cet emploi et déménage à Toronto où elle arrive sans plan précis, sans réseau personnel ou professionnel et décide de se lancer en affaires en se disant que la pression des autres sera absente puisqu’elle sera en contrôle.
Cependant, depuis longtemps, elle se sent incompétente. « Qui suis-je pour offrir mes services de consultante à quelqu’un? », se demande-t-elle en constatant qu’elle n’arrive pas à faire les premiers pas pour, justement, créer ce réseau de contacts.
À ce moment-là, elle n’a encore jamais raconté son histoire à ses parents, à des amis ou à des professionnels. Selon elle, c’est ce secret qui fait en sorte que les personnes victimes de violence en viennent à ne plus pouvoir fonctionner.
« Cela fait que votre stress est toujours trop élevé, ce qui se traduit par des problèmes physiques qui ne font qu’ajouter à la situation », ajoute-t-elle.
C’est finalement son médecin qui l’orientera vers des ressources professionnelles appropriées qui lui permettront d’abord d’admettre la réalité de son problème (la violence subie plus jeune et jamais révélée) puis d’entreprendre un long cheminement « qui va probablement durer toute ma vie » et finalement en témoigner devant un groupe de femmes à Windsor.
Selon Mme Myette, la résilience est en chacun de nous. Il s’agit de la capacité de réagir positivement aux mauvais coups de la vie et de se construire une vie relativement heureuse. Il est également important de se faire suffisamment confiance pour pouvoir se confier à ses proches, à des professionnels en santé et en santé mentale ou à un groupe de soutien. Selon la conférencière, « le silence met le corps à rude épreuve » et le plus rapidement que l’on peut se débarrasser du secret, le plus rapidement que l’on peut se reprendre en main.
Mme Myette a complété sa présentation en parlant de l’importance d’une pensée positive et a donné deux conseils à la quinzaine de personnes présentes. Par rapport au silence et au secret, écrire est une bonne manière de se décharger de quelque chose qui nous hante. On l’écrit puis, on le jette, le brûle ou le détruit, exercice qu’elle a fait faire aux participantes.
Pour voir la vie positivement, avoir une pensée de remerciement pour deux ou trois choses survenues pendant la journée. Les participantes ont donc écrit quelque chose en rapport avec leur journée.
Après tout ce parcours sur plusieurs décennies, Andrée Myette écrit toujours de la main gauche.

Photo : Andrée Myette a souligné l’importance d’une pensée positive.