C’est un fait connu que le Canada est depuis plusieurs années en pénurie de travailleurs pour pourvoir aux postes vacants. Le départ des baby-boomers à la retraite et le faible taux de chômage national contribuent à cette pénurie. Pendant longtemps, c’était surtout au niveau des emplois techniques et professionnels que la main-d’oeuvre se faisait plus rare. Les différents gouvernements ont donc mis l’accent sur la formation collégiale ou universitaire menant à ce type de carrière. Puis, les emplois de premier niveau n’exigeant qu’un diplôme d’études secondaires étaient également frappés par cette pénurie.

Selon Statistique Canada, en 2016, pas moins de 367 000 de ces emplois dits de premier échelon ne parvenaient pas à trouver preneur. Il est question ici de près de 50 % des emplois disponibles. Selon Michel Brassard, prospecteur en emploi au Collège Boréal, la situation est sensiblement la même dans la région couverte par l’institution francophone.

Il explique que c’est en grande partie dû à la structure de rémunération ainsi qu’aux attentes des clients en regard du prix à payer pour se procurer des biens ou des services. « Du côté des employeurs, les exigences et les attentes sont très élevées. On s’attend à ce que les nouveaux employés soient performants rapidement et ne coûtent pas trop cher, leur salaire étant perçu comme une dépense. De leur côté, les employés en viennent à se demander si cela vaut vraiment la peine de s’arracher le coeur au travail pour environ 12 $ l’heure. »

Bien entendu, la récente mise à niveau du salaire minimum va changer un peu la donne de ce côté-là. Pour le consommateur, c’est – dans bien des cas – le prix à payer pour un bien ou un service qui fait foi de tout. Par exemple, le client d’une chaîne de restauration rapide est-il prêt à payer davantage pour son café afin que la personne qui le sert puisse toucher un revenu intéressant?

Entre également en compte le facteur des agences de placement qui offrent des travailleurs aux entreprises en prenant à même le tarif horaire des frais administratifs. Selon M. Brassard, cela vient également teinter l’image générale notamment lorsqu’une organisation utilise leurs services alors qu’elle a déjà des employés affectés à une tâche précise.

Les travailleurs placés par les agences gagnent souvent moins que leurs collègues directement payés par l’organisation, et ce, pour le même type de travail.

Le monde du travail a grandement changé depuis 25 ans et au Canada – où on a atteint des planchers records en termes de chômage – on mise de plus en plus sur l’immigration pour parvenir à combler les besoins de l’industrie. Les résultats se font par contre attendre comme l’indiquent les données.

Une certaine frilosité corporative, le manque d’expérience canadienne, la reconnaissance des diplômes acquis à l’extérieur des frontières sont souvent cités comme des freins puissants à l’entrée du marché du travail pour les nouveaux arrivants.

L’Ontario, qui vient de porter à 14 $ l’heure le salaire minimum et qui poursuivra, pour trois ans, un projet pilote de revenu minimum garanti auprès de 4000 personnes, est l’objet de bien des observations en ce début de 2018. Les résultats seront mesurés plus tard mais, à court terme, l’idée est que ces incitatifs aideront plus de gens à retourner sur le marché du travail.