Au cœur de la diaspora congolaise du Sud-Ouest ontarien, les traditions se perpétuent grâce à l’engagement de toute une génération décidée à bâtir un pont entre passé et avenir. La soirée culturelle du 19 juillet à Windsor en a été un vibrant témoignage.
Christiane Beaupré – IJL Réseau.Presse – Le Rempart
La jeunesse de la communauté bembée, originaire du Sud-Kivu en République démocratique du Congo, a tenu, le samedi 19 juillet, une soirée culturelle au Centre événementiel WFCU de Windsor. L’initiative, organisée avec la Communauté congolaise de Windsor-Essex (COCOWE), visait un objectif clair : faire vivre et transmettre un patrimoine riche en musique, danse et valeurs aux générations futures.
Au programme : des rythmes entraînants de tambours, des chants puisés dans la tradition et des mets typiques, partagés dans une ambiance de fête et de fierté. Mais au-delà de l’aspect festif, cette rencontre intergénérationnelle portait un message plus profond : préserver la culture bembée en impliquant les aînés comme passeurs de mémoire auprès des jeunes.
La culture bembée, enracinée dans les régions autour du lac Tanganyika, est une richesse aux multiples facettes, mêlant musique, danse, artisanat et spiritualité. Elle puise ses origines dans les traditions bantoues d’Afrique centrale et s’exprime notamment par des rituels mêlant chants et percussions, destinés à honorer les ancêtres et à célébrer les grandes étapes de la vie.
Le bembé est aussi porteur de valeurs fondamentales comme l’amour, la paix et la tolérance, qui se transmettent à travers des cérémonies, des contes et des gestes symboliques. Ces pratiques traditionnelles, qui furent parfois menacées par les bouleversements historiques, trouvent aujourd’hui un nouveau souffle au sein de la diaspora, où elles jouent un rôle essentiel pour préserver l’identité collective et renforcer le lien entre générations.
« Nos enfants grandissent ici, au Canada, souvent loin de la langue et des gestes de nos ancêtres. Si nous ne leur montrons pas dès aujourd’hui notre patrimoine, il risque de se perdre », souligne Jean Claude Issa, membre du conseil d’administration de la COCOWE et coordonnateur de la soirée. Pour lui, la présence des aînés est essentielle : ce sont eux qui enseignent les danses, expliquent la symbolique des masques, racontent l’histoire du peuple bembé et transmettent les valeurs d’amour, de paix et de tolérance.
Cette soirée marquait la deuxième expérience culturelle d’envergure de la jeunesse bembée locale. Les organisateurs ambitionnent maintenant de former une troupe de musique et de danse traditionnelle. Des discussions sont en cours pour unir leurs forces avec des artistes camerounais, burundais et rwandais afin de créer un festival de troupes d’Afrique centrale. L’objectif : faire découvrir au public canadien la diversité et la richesse de ces cultures.
Cependant, les défis restent nombreux. Faute de salle dédiée, les répétitions se tiennent souvent dans des sous-sols de maison. Les costumes, tambours et masques doivent être commandés en RDC, ce qui exige du temps et des ressources financières. « Nous faisons avec les moyens du bord, mais l’enthousiasme des jeunes et l’appui de nos partenaires nous encouragent à persévérer », confie Jean Claude Issa.
La soirée du 19 juillet a également été l’occasion de recréer un univers inspiré des rives du lac Tanganyika, berceau du peuple bembé : exposition d’ustensiles de pêche, tapis de peau, flèches, statuettes et instruments. Le président de la mitualité bembée (émo’yam’bondo), Laurent Milingata, a présenté les rites qui jalonnent la vie des jeunes dans la tradition : cérémonies de passage à l’âge adulte, valeurs de solidarité, et nécessité de préserver les us et coutumes.
Le public, composé entre autres de membres de la communauté et de partenaires locaux, a répondu avec enthousiasme. De nombreux parents dont les enfants n’avaient pas participé souhaitent désormais les voir intégrer la troupe. « Les réactions positives nous donnent envie d’aller plus loin. On sent que les jeunes sont fiers de se réapproprier leur culture », se réjouit l’organisateur.
Pour la diaspora bembée de Windsor, Essex et Chatham – forte d’une quarantaine de familles –, ces rencontres ne sont pas seulement un divertissement : elles représentent un héritage à transmettre, une identité à affirmer et un dialogue constant entre passé et présent. Dans une société canadienne marquée par la diversité, elles rappellent que l’unité naît de la reconnaissance et du respect des racines de chacun.
Parmi les projets majeurs portés par la communauté congolaise figure la création d’un centre culturel congolais. Cette structure permettrait de rassembler les différentes cultures de la RDC, de favoriser leur rayonnement au Canada et d’offrir un lieu dédié à l’apprentissage des langues, des arts et des traditions. Si le financement reste un défi important, l’initiative symbolise l’ambition collective de préserver un patrimoine vivant et d’assurer un avenir où la culture congolaise occupera une place visible au sein du paysage canadien.
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Photo 1 : Douze personnes de la communauté bembée, hommes et femmes de différents âges, réunies pour une danse lors de la soirée culturelle. (Crédit : COCOWE)